Il fait beau temps, ce qui est rare dans notre beau pays, alors vous décidez de profiter des trop rares rayons du soleil en vous rendant sur les rives du Lock Ness. La température est fraiche et vous ne tardez pas à avoir le bout du nez tout froid, mais vous vous en moquez, vous êtes tout simplement heureux. Les rayons du soleil vous chatouillent gentiment la nuque lorsque soudain, un jappement se fait entendre. Vous n’avez pas le temps de comprendre ce qui se passe que le Parson Russell terrier arrive vers vous et lève la patte pour faire ses besoins sur vous! Le propriétaire de l’animal ne tarde pas à arriver, essoufflé et confus.
« Je suis sincèrement navré, Didier est imprévisible quand il s’y met ! J’espère qu'il n'a pas trop mouillé votre pantalon? » Demande l’homme en grondant le chien qui laisse votre pauvre pied sortir de sa douche improvisée. L’homme n’est autre que le Docteur Douglas Murchadh, vétérinaire de son état, et l‘on vous avait prévenu que son chien était une vraie tornade.
« Pour me faire pardonner, je vous invite à siroter le meilleur whisky de la région ! » Propose t-il, d’un ton tellement enjoué et insistant que vous le suivez sans protester.
« Vous savez, je n’ai pas toujours habité à Ford Edernad. J’ai hérité de ma grand-mère un charmant cottage au nord de la ville et je suis tombé amoureux de ce lac ! » Explique-t-il sur le ton de la confidence.
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- Votre grand-mère, elle ne vous aurait pas expliqué comment fonctionnait les laisses par hasard? C'est très utile, vous n'avez qu'à... Voyant qu'il ne l'écoutait qu'à moitié, Jeremiah cessa son monologue avant de répondre à sa question, croisant les bras tout maintenant la cadence de ses pas.
- Je ne suis même pas Écossais, alors ce que j'en sais... je suis Américain en fait. J'ai emménagé à Fort Edernad il y a à peine trois ans. C'est une ville comme une autre. Ici, Los Angeles, le Canada, l'Égypte, l'Arabie Saoudite... ça ne faisait pas grand différence pour lui. Il y a des crimes et des idiots partout.
- Je suppose qu'on peut trouver pire comme endroit. Existait-il un pays où il était interdit d'aller au lit avec de parfaits inconnus avant le mariage? Certainement. Ces pays là, il valait mieux les éviter! Mais qu'il y ai autant de chiens dans cette ville restait un mystère pour lui. Il y avait plusieurs boutiques personnalisées pour eux, mais elles étaient surement arrivées après les cabots du quartier. Ou c'était le contraire? Le fameux mystère de l'oeuf et de la poule. Lequel était arrivé en premier? On s'en fout ...
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« Je vois ! » Répond t-il.
« Vous savez, moi, je suis un rigolo. J’aime bien faire des blagues, et lier connaissance avec le voisinage. Ma femme disait que j'étais trop curieux et un peu bordélique, paix à son âme. Elle m'a malheureusement quitté l’hiver dernier. » Un sourire triste voile le visage encore séduisant de l’homme.
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- Vous m'en direz tant... vous savez que votre vie ne m'intéresse pas du tout, pas vrai? Il le savait, mais il trouvait trop intéressant de s'entendre parler. Aussi bien lui répondre, car il ne lui paierait jamais cette bière sinon et cette boisson gratuite, il la voulait.
- J'ai déjà enfermé une vieille dame dans les toilettes parce qu'elle m'énervait à toujours jacasser. Les femmes se plaignent sans arrêt, mais elles ne veulent pas admettre qu'être bordélique ou bien curieux, c'est pas un crime. Moi je suis sexiste, égoïste et je l'assume. Elle aurait pu se marier avec moins agréable, je parle par expérience. Le quinquagénaire soupira tout regardant les édifices aux alentours. Pourquoi ce vétérinaire lui racontait la vie de sa femme? Il avait couché avec elle sans s'en souvenir peut-être? Il voulait le lui rappeler? Il pouvait toujours courir. Il ne se rappelait jamais les visages et encore ceux-là.
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« Vous me plaisez ! Je sens que nous allons bien nous entendre ! » S’exclame Douglas après vous avoir donné une bonne tape dans le dos, manquant vous renverser. Il faut dire que ce cher vétérinaire a une sacrée poigne.
« Dites-moi, je suis peut-être trop curieux, mais, vous vivez seul ? » Demande soudain l’homme, un brun nostalgique. Peut être veut-il évoquer son épouse disparue.
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- Euh, c'est une proposition ou quoi? Il était plutôt étrange cet homme, c'était peu dire. Non seulement il semblait tout prendre à la légère, mais son côté sympathique avait tendance a être agaçant.
- C'est vraiment pas vos oignons en effet... Il se voyait très mal commencer à raconter sa vie entière à cet homme.
- Mais si vous voulez tout savoir, je suis mariée avec une femme de vingt ans, j'ai quatre enfants et j'ai une maison gigantesque. Ou comment raconter n'importe quoi en quelques secondes. La vérité, c'est qu'il était fou amoureux de sa belle-soeur, mais ça, personne ne le savait, pas même lui puisqu'il tâchait de se convaincre du contraire. Hormis elle, avec qui il n'avait jamais été intime, précisons-le, il n'avait que des histoires d'un soir avec de parfaits inconnus. Ce n'était pas triste, cette vie lui convenait parfaitement, il l'avait choisi. Il aimait bien la débauche, qui ne cadrait pas du tout avec le métier qu'il exerçait.
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« Et bien! » S’exclame-t-il dans un grand éclat de rire.
« Et vos amis ? Vous avez bien des amis dans le coin, n’est-ce pas ? » Demande-t-il ensuite en pressant le pas.
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Il était sourd ou bien il faisait juste exprès d'être con? Cessant de marcher pour le jauger du regard, il soupira en lui répondant, espérant qu'il allait arrêter de le questionner comme un criminel à la barre.
- Est-ce que je vous raconte la fois où j'ai rencontré mon ami imaginaire ou bien celle où j'ai tué mon meilleur ami? Sarcasmes, humour noir, c'était généralement des combinaisons gagnantes pour qu'on lui fiche la paix, mais pas aujourd'hui. Il semblait déterminé à fouiner dans les moindres recoins de sa vie, que l'avocat le veuille ou non. Sa seule vraie amie, et la seule femme qu'il respectait trop pour mettre dans son lit, vivait près de lui. Elle était toujours là pour le ramener de ses débauches et ramasser derrière lui. C'était plus qu'une perle, c'était la meilleure. Mise à part elle, il était un peu paumé niveau amitié. Il ne pensait pas en avoir besoin. Sa propre famille ne lui parlait plus. Ses parents étaient en voyage il ne savait trop où, puisqu'ils ne lui envoyait jamais de carte postal, et son frère le voyait comme un lépreux.
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« Vous avez des amis qui ont l’air formidables ! » Répond-il, toujours en souriant, soit en étant sarcastique ou totalement sincère. Cet homme est décidément un grand bavard.
« N’hésitez surtout pas à me dire si je vais trop loin ! » Reprend-il.
« Comme je le disais, j’aime bien connaitre le voisinage et mon chien à l’air de vous apprécier. Alors, que faites-vous dans la vie ? »------------------------------------------------------------------------------
Son sourire était pour le moins dérangeant. Ses dents trop blanches sorties prendre l'air, comme s'ils discutaient en vieux amis alors qu'il ne faisait que le questionner et que Jeremiah ne faisait que lui répondre de manière stupide et évasive. N'était-ce pas évident qu'il n'avait pas envie de discuter avec lui?
- Si vous aimez à ce point mon ami imaginaire, je peux vous refiler son adresse. J'essaie justement de m'en débarrasser, on m'a dit qu'il n'était pas une bonne influence. Cette conversation commençait à tourner au ridicule. Il lui aurait juré sous serment être le Père Noël que ce vétérinaire l'aurait cru.
- Je ne travaille pas, je tue des bébés tortues pour le plaisir et je les donne en cadeau aux gamins du quartier. Levant les yeux vers les nuages, il tenta de garder son calme, plutôt ennuyé par la discussion. En d'autres circonstances, il aurait trouvé toute cette histoire très drôle, mais ce crétin de chien lui avait pissé dessus. C'était une bonne raison de ne pas vouloir faire causette avec cet homme. À quoi bon lui dire qu'il était avocat? De toute façon, il détestait son métier, il n'avait pas envie d'en parler éternellement. Il était doué dans son métier, ce n'était pas le problème, c'était que ça l'ennuyait à mourir. Mais admettre qu'il aurait préféré être musicien, il ne pouvait pas.
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« C’est passionnant ! Tant mieux, les gens ennuyants, ce n’est pas marrant ! » Ajoute-t-il, hilare.
« Ah ! Nous y sommes ! » Dit-il en vous entrainant et en prenant place à la terrasse d’un café. Il commande aussitôt deux whiskies. Lorsque la commande arrive, vous constatez bien vite qu’il a raison si vous le portez à vos lèvres, le breuvage étant délicieux et ayant le mérite de vous réchauffer.
« Comment voyez-vous votre avenir ? » Demande-t-il alors, en vous regardant.
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Riant, manquant s'étouffer avec sa gorgée, il reprit son sérieux en voyant que son interlocuteur était on ne peut plus sérieux lui aussi.
- C'est vraiment une question ça? Comment je me vois dans l'avenir? Avec un harem, dans une ville qui porte mon nom et avec tous les cons que je déteste morts et enterrés. La paix dans le monde? Et puis quoi encore? Il aurait été malhonnête de lui répondre qu'il rêvait fonder une famille et être heureux jusqu'à la fin de ses jours. Il voulait brûler la chandelle par les deux bouts, comme il le faisait si bien depuis sa naissance.
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« Vous avez une vie bien chargée ! Mais il se fait tard, je vais devoir vous laisser. J'étais très heureux de faire votre connaissance. » Termine t-il en se levant, afin de prendre congé.